Serbie: des salaires, pas des élections!
La multiplication des conflits sociaux dans les Balkans (Serbie, Slovénie, Bosnie, etc) montre la résurgence de la bataille entre les classes sociales et le début de la fin des longues nuits de déchirement nationaliste.
Cette montée qui a frisé le soulèvement révolutionnaire en Bosnie récemment montre des états sous influence du FMI et de la Banque Mondiale, de l’appareil de l’UE et des banques, des états qui ont appliqué en bons élèves les recettes de ces châteaux forts du capitalisme et des états qui se trouvent maintenant ruinés, pillés, avec des dirigeants corrompus et enrichis, des oukases venant des institutions fianancières demandant toujours plus de destructions sociales, de privatisations, d’ouverture au pillage.
Le niveau de ces agressions sociales avec comme petites mains les apparatchiks politiques grands-serbes, les nationalistes croates et le parti musulman bosniaque , soulève maintenant la rébellion et la résistance. Une riposte vertueuse commence à se faire jour, rebondissant de la Bosnie à la Serbie, de la Macédoine à la Croatie.
Les travailleurs n’ont pas de patrie.
Serbie
des salaires, pas des élections!
D’après l’Osservatorio balcani e cocasio
A l’instar de la Bosnie-Herzégovine voisine, qui connaît une révolte citoyenne sans précédent depuis son indépendance, la Serbie est agitée par de nombreuses grèves. En cause, les retards récurrents dans le paiement des salaires, le manque d’accès à la sécurité sociale et aux aides des employés des usines en cours de privatisation. Les grévistes annoncent l’intensification de leur mouvement à l’approche des élections législatives, le 16 mars.
Les 1.700 employés de Yumco à Vranje n’ont pas été payés depuis mai 2013. Depuis janvier, les salariés de trois entreprises en cours de privatisation ont organisé des manifestations dans le Sud et le Centre du pays. En tout, 153 entreprises font l’objet d’une procédure de rachat de leurs dettes par l’État, qui est censé investir pour mieux les vendre et les privatiser.
Le gouvernement serbe a promis à la Banque mondiale et au FMI que les privatisations prendraient fin avant l’été, ce qui sous-entend que les entreprises qui ne trouveront pas de repreneurs d’ici-là fermeront purement et simplement et, par conséquent, que plusieurs dizaines de milliers de salariés se retrouveront au chômage.
Pour un grand nombre d’entreprises, la privatisation s’est muée en blocage administratif. Pendant ce temps, les salaires, ainsi que les droits à la sécurité sociale et aux aides éventuelles, ne sont pas garantis. En Serbie, on estime que plus de 50.000 employés ne perçoivent plus de salaires depuis des années. Les syndicats ajoutent à ce chiffre 100.000 autres qui travaillent et attendent leur salaire, plusieurs mois, voire un an. La campagne électorale pour les législatives du 16 mars donnent l’occasion à ces travailleurs de faire entendre leurs revendications et d’espérer avoir une répondre des politiques.
Les 1.700 employés de l’usine Yumco de Vranje, ancien géant de l’industrie textile yougoslave, ont commencé une grève générale en janvier.« Les salaires sont inférieurs au salaire minimum, ils vont de 7.000 à 15.000 dinars par mois (60-130 euros). En plus d’être très bas, ils ne sont jamais reversés. L’entreprise doit huit mois d’arriérés à ses employés, les derniers salaires qui leur ont été versés datent de mai ou de juin 2013, payés en janvier », peste Snežana Veličković, de l’Association des syndicats libres et indépendants. « Faute de cotisation irrégulière, leur carte de sécurité sociale n’est plus à jour. J’ai dit au membres du gouvernement que je pouvais les emmener faire du porte à porte pour leur montrer la misère dans laquelle ces travailleurs vivent, leur montrer qu’ils n’ont pas de quoi payer leur pain ou leurs factures. La situation est similaire dans d’autres usines de Vranje et il y a des familles où les deux conjoints se trouvent dans la même situation, sans aucun revenu », poursuit-elle.
Le mouvement s’est radicalisé à Yumco le 12 février quand plus d’un millier de salariés ont bloqué l’autoroute vers la Macédoine. Un coup de force qui a réussi à attirer l’attention du gouvernement, qui leur a promis de les aider, en leur versant deux salaires minimums (le salaire minimum en Serbie est de 200 euros, NDT) et de mettre leur cartes de sécurité sociale à jour.
Les employés de l’usine de wagons de Kraljevo sont eux aussi en grève depuis mai 2013. Ils n’ont pas reçu de salaire en moyenne depuis 18 mois, qu’ils ont par conséquent perdu leurs droits à la sécurité sociale et qu’ils ne cotisent plus pour leurs retraites. Ces salariés, qui ont toutes les peines à joindre les deux bouts, demandent que l’État leur verse au moins deux salaires minimum pour payer quelques factures et couvrir leurs frais de subsistance de base.
Puisque cette revendication n’a pas été entendue, ils ont décidé de radicaliser leur mouvement en bloquant le 10 février, avec les salariés en colère de deux autres usines, le trafic ferroviaire de toute la Serbie centrale. C’est seulement après ce geste radical que le gouvernement a consenti à entamer des négociations avec eux tout en leur précisant qu’aucune décision ne pourrait être prise avant les élections du 16 mars.
Leurs homologues de l’usine de Smederevo ont des exigences similaires. Ils souhaitent obtenir la mise à jour de leurs cartes de sécurité sociale et le versement de leurs six derniers salaires. Il est ici question d’un mouvement entamé il y a plusieurs années déjà, en 2007, par les employés de l’usine cédée à un consortium roumain. La vente a finalement été annulée en 2011 et depuis, Želvoz est une société anonyme dont l’État est actionnaire principal.
Le mouvement a repris mi-janvier quand les ouvriers sont entrés dans la mairie de Smederevo – certains d’entre eux y ont même passé la nuit -, ont entamé une grève de la faim et sont allés jusqu’à bloquer des rues entières du centre-ville. Après un mois de blocage, les ouvriers ont réussi à faire venir Aleksandar Vučić, le vice-Premier ministre, pour une visite avant tout électorale.
Saša Milovanović, le président du mouvement syndical des travailleurs, syndicat crée à Želvoz et qui ne défend que les intérêts de ces ouvriers, raconte cette rencontre : « Nous avons entendu dire que Vučić allait venir, nous sommes donc allés devant le siège de son parti, où il devait faire une intervention publique. Mais là, des sympathisants et membres du SNS ont commencé à s’infiltrer parmi nous, pour faire croire que nous étions tous ensemble. Nous, les employés de Želvoz, avons donc décidé de nous asseoir par terre pour nous démarquer d’eux. Notre mouvement n’est lié à aucun parti politique, il est de nature syndicale et socio-économique. Comme nous sommes des citoyens de seconde zone, tandis qu’eux, les politiciens, ce sont des citoyens de première classe, nous nous sommes abaissés pour rendre cette différence visible. »
Les grévistes de Vranje, Kraljevo et Smederevo ont des revendications très similaires à celles de leurs voisins de Bosnie-Herzégovine, qui tentent de redonner le pouvoir au peule en réinventant la démocratie citoyenne. Une grande partie de ces manifestants sont aussi des employés d’entreprises privatisées en faillite qui ont perdus tous leurs droits.Ilreste à voir dans quelle mesure les travailleurs et les syndicats serbes seront capables de mettre les questions clés du processus de transition – pauvreté, inégalités, abus du processus de privatisation - au centre du débat public. Ces problèmes, bien que touchant une grande partie de la population, ne sont pas au cœur des préoccupations des partis politiques, de toute façon discrédités aux yeux de la population.
Malgré la quasi-indifférence internationale et la répression des autorités, la révolte citoyenne continue en Bosnie. En Serbie, les récentes manifestations avaient pour slogan « Des salaires ! Pas des élections ! »…